TEMOIGNAGES de madame MARIE EVENOT.
Marie Evenot, élève de 1908 à 1913,
année de l'obtention du Certificat d'Etudes Primaires
( elle fut d'ailleurs la première élève de l'établissement
à obtenir le diplôme ), se souvient de cette époque,
des pressions exercées par le clergé sur les familles scolarisant
leurs enfants à Kergonan et par les propriétaires "
menaçant leurs fermiers ou cultivateurs d'aller
chercher une ferme ailleurs ".
" Il y avait une résistance ici, il fallait
faire tomber l'école.
Il n'était pas une messe à Kergonan sans qu'on ne parle de cela,
sans qu'on ait entendu :
Vous dîtes que c'est cher ! Mais non, ce n'est pas cher. Si vous n'avez
pas d'argent, envoyez vos enfants garder les vaches.
Il vaut mieux sauver leur âme que sauver leur corps, et des boniments
comme cela.
Le curé passait dans les familles : " Faîtes comme les autres,
envoyez- les à Languidic, je paierai pour vous ".
Il est aussi venu voir mon père, probablement du temps de mes surs.
Celui- ci lui a répondu :
" Je ne suis pas allé vous chercher pour les faire, je n'irai pas
vous chercher pour payer l'école, ni pour les élever, ni pour
les instruire ".
Elle raconte un épisode, datant de ce début
de siècle, montrant les difficultés encourues
par les enfants de Kergonan, se rendant à pied au bourg, pour y être
scolarisés :
" Beaucoup de familles, laïques ou pas laïques,
trouvaient l'école commode au lieu d'aller au bourg, par les chemins
creux.
Vous vous rendez compte, de Kerdaniel ou de Kerscoul, on débouchait sur
la route nationale, à Lann- Menhir, près du taillis de Kervarin.
Les pieds, les sabots pleins de boue, de vase
et aller encore jusqu'à
Languidic, traverser le bourg jusqu'à Saint- Aubin,
vous vous rendez compte. Ils restaient toute la journée " avec "
et il fallait revenir, le soir, pour ceux qui n'étaient pas en pension.
Une fille F
, de Kerdaniel, est venue à l'école de Kergonan.
Elle n'est pas allée à Languidic car il est arrivé une
mésaventure
à l'une de ses surs, un peu plus âgée que moi, qui
allait, tous les jours, de Kerdaniel à Languidic.
Elle devait traverser la lande de Kerdaniel et passait là, à la
nuit, l'hiver. Elle entre dans la lande, se trompe de sentier, il pleuvassait.
Est- ce qu'elle était fatiguée ou quoi ? Elle est restée
là, presque toute la nuit. Ses parents sont allés la chercher,
l'ont- appelée.
Est- ce qu'elle s'était endormie, en pleurant ? Elle devait avoir une
douzaine d'années pour faire ce chemin- là.
Ses parents sont rentrés chez eux et ont pensé qu'elle était
restée à Lann- Menhir, chez une couturière dont ils étaient
clients et qui avait des filles.
Le lendemain, le père s'est levé de bonne heure. La fille s'était
réveillée et pleurnichait :
elle ne savait pas où elle était. Elle était malade, bien
entendu : une bonne bronchite.
On ne l 'a plus envoyée à l'école mais sa sur, la
suivante, est restée à l'école à Kergonan ".